La loi du 30 décembre 1948 ne fait pas dans la nuance : chaque billet de cinéma vendu en France supporte une taxe, reversée directement à la production nationale. Malgré le rouleau compresseur hollywoodien, la France tient bon. C’est même le premier pays d’Europe en nombre de salles et en fréquentation. Entre 1960 et 1970, plus de 200 films naissent chaque année, alors même que la télévision s’installe dans les foyers. Les pouvoirs publics, eux, n’ont pas tardé à reconnaître la singularité du cinéma et à lui donner un statut à part dans l’économie culturelle.
Pourquoi le cinéma est-il considéré comme le septième art ?
L’expression septième art n’est pas sortie de nulle part. Elle prend racine au début du XXe siècle, quand l’italien Ricciotto Canudo, critique et théoricien, publie en 1911 un manifeste qui bouleverse les codes. Jusque-là, six arts règnent en maîtres dans la tradition occidentale :
- architecture
- sculpture
- peinture
- musique
- poésie
- danse
Le cinéma, en pleine effervescence, s’impose alors comme une synthèse nouvelle. Canudo le décrit comme un art synthétique, capable d’associer musique, peinture, texte et mouvement. Il est le seul à mêler images, sons et récits avec autant d’évidence. L’écran ne se contente pas de reproduire le réel : il devient le terrain d’expérimentation, laboratoire d’émotions, espace où se répondent tous les langages artistiques.
- Naissance du septième art : 1911 marque la première publication de Canudo sur le sujet.
- Le cinéma, art total : il fusionne techniques et inspirations issues de la peinture, de la musique, du théâtre et de la littérature.
- Expression d’un siècle : le cinéma traverse et accompagne toutes les grandes mutations du XXe siècle.
Progressivement, l’appellation de cinéma septième art s’impose, au fil des mouvements artistiques et de l’émergence d’un langage cinématographique propre. Grâce à sa capacité à raconter, à capturer, à sublimer, le cinéma se forge une place inédite et suscite, dès ses premiers pas, une réflexion sur la nature de l’art et de la création.
Des frères Lumière à la Nouvelle Vague : grandes étapes de l’histoire du cinéma en France
Retour à Paris, 1895. Les frères Lumière projettent pour la première fois des images animées devant un public médusé. L’histoire du cinéma français s’écrit alors, dans l’obscurité du boulevard des Capucines. Ce moment sème les graines d’un art neuf, troublant, appelé à bouleverser la frontière entre réalité et fiction.
La France devient rapidement un terrain d’expérimentations, grâce à Georges Méliès notamment, magicien du montage et des effets spéciaux, qui invente des mondes là où il n’y avait que des bobines. Au fil des décennies, le cinéma français se structure : studios, scénaristes, nouveaux visages. Les années 1930 voient éclore la poésie du réalisme avec Jean Renoir ou Marcel Carné, puis l’après-guerre, malgré la censure, démultiplie l’inventivité.
Les années 1950 et 1960 marquent un tournant. La Nouvelle Vague arrive, incarnée par Jean-Luc Godard, François Truffaut, Agnès Varda. Ces cinéastes brisent les codes, filment en décors réels, inventent une nouvelle manière de raconter. Le cinéma français rayonne alors bien au-delà de ses frontières. Ces étapes témoignent d’une vitalité toujours renouvelée, d’une envie constante d’innover, de surprendre, de donner la parole à d’autres histoires.
Le cinéma français, miroir et moteur de la société
Le cinéma français ne se contente pas de raconter le monde : il le questionne, le secoue, l’accompagne. Depuis ses débuts, il saisit les tensions et les aspirations de la société, façonne les débats, et parfois, fait bouger les lignes. Des premiers films noir et blanc jusqu’aux productions actuelles, l’écran se fait à la fois témoin et acteur des évolutions sociales.
Ce qui distingue la France, c’est sa capacité à défendre la diversité, à miser sur l’audace. Le documentaire croise la comédie, le cinéma d’auteur dialogue avec le grand public. Les grands réalisateurs, mais aussi les techniciens, les scénaristes, les formateurs et les diffuseurs, tous participent à cette dynamique collective. Le dialogue entre les métiers du cinéma rend le secteur vivant, réactif, en perpétuelle mutation.
Voici quelques éléments qui illustrent la richesse de cette dynamique :
- Le cinéma d’auteur reste un laboratoire d’expérimentation et d’engagement personnel.
- Le cinéma audiovisuel irrigue le pays, avec des salles indépendantes, des réseaux de festivals, là où on ne l’attend pas toujours.
- Les formations aux métiers du cinéma préparent chaque année une nouvelle génération de créateurs, de techniciens, de passeurs d’histoires.
La France met en œuvre une politique précise : soutien public, quotas, éducation à l’image. En retour, les films interrogent la société, proposent d’autres récits, s’aventurent sur des chemins de traverse. Le septième art s’impose comme un espace vivant, où la mémoire et l’invention se croisent sans cesse, où le pays se regarde, s’interroge, se projette.
Ce qui fait la singularité et le rayonnement du cinéma en France aujourd’hui
En France, le choix est clair : le cinéma bénéficie d’un modèle de soutien public rare, qui irrigue toute la filière. Le centre national du cinéma (CNC) joue ici un rôle moteur : il finance, accompagne la création, protège le patrimoine, soutient la distribution. Ce système permet à toutes sortes de films d’exister, encourage l’émergence de nouvelles voix, et garantit une véritable diversité sur les écrans.
Les salles de cinéma forment un réseau dense, des grandes villes aux villages les plus reculés. Grâce à cette maille fine, les œuvres peuvent circuler, rencontrer leur public, au-delà des logiques marchandes. Les ciné-clubs, toujours dynamiques, multiplient les projections, les débats, les initiatives pour transmettre le goût du cinéma. Depuis plus d’un siècle, ces lieux accompagnent l’évolution des formats et des pratiques, tout en préservant la magie de la séance collective.
- Le cinéma éducateur a investi l’école. L’éducation nationale intègre régulièrement le septième art à ses programmes, offrant aux élèves des outils pour analyser, comprendre, créer. Les dispositifs comme « École et cinéma » ou « Lycéens et apprentis au cinéma » en sont la preuve concrète.
- Les festivals, de Cannes à Angoulême, prouvent la capacité du cinéma français à attirer talents et regards venus d’ailleurs.
La France conjugue ainsi héritage et innovation, transmission et curiosité, consolidant la place du cinéma comme pilier culturel et lieu d’échanges vivants. L’histoire se poursuit, vibrante, sur chaque écran : à chacun d’ouvrir les yeux, la prochaine séquence est déjà en marche.


